Un grand merci à toutes et à tous pour cette magnifique édition du festival! Vivement l’année prochaine!

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Aujourd’hui, dernière publication sur notre blog des auteurs avant l’ouverture de la manifestation! Laurence Suhner y dévoile sa passion de découvreuses de mondes!

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Découvreuse de mondes

Je suis peut-être une exception – ou pas –, mais ce n’est pas un livre qui m’a donné l’envie d’écrire.
Quand j’étais enfant, mon père, qui écumait le monde pour son travail, me rapportait des trucs bizarres: caïman empaillé, peau de boa constricteur, mocassins amérindiens, bijoux en turquoise, rose des sables ou têtes réduites d’Amazonie. Non contente d’exhiber cette moisson fabuleuse en classe pour épater mes petits camarades, je m’empressais d’imaginer des histoires, toutes plus fantastiques les unes que les autres, pour expliquer l’origine, pas toujours très orthodoxe, de ces objets. Pris au jeu, mon père m’a vite rejointe et a commencé à jeter sur papier des scénarios mettant en scène ces trouvailles venues du fin fond de la planète. Scénarios que j’illustrais en bande dessinée, ma première passion (ma mère était dessinatrice), après mes fastidieuses journées d’école.
Nos fictions foisonnaient de péripéties extraordinaires où des savants géniaux, mais toujours fous jouaient des rôles prépondérants en faisant des découvertes majeures ou en organisant des expéditions aux confins du monde connu. Ça ressemblait aux aventures de Tintin, mais en plus rocambolesque. Il faut dire que, jusqu’à mes cinq ans, nous habitions Bruxelles, le temple de la BD.
Ainsi nourrie par les voyages de mon père et des récits qui s’en inspiraient, je voulais à mon tour explorer les pays lointains, partir sur la trace de civilisations anciennes, de cultures différentes et, pourquoi pas, découvrir l’Atlantide! C’est sans doute ce qui a motivé mon intérêt précoce pour l’archéologie et l’anthropologie.
C’est un peu plus tard, en dévorant les romans d’Henri Vernes, «Les aventures de Bob Morane», qui circulaient entre les bancs d’école, que j’ai pris conscience que les histoires que nous concoctions, mon père et moi, appartenaient au genre de la science-fiction.
À l’époque, je mettais en pratique mes récits avec un groupe de copains, constitué essentiellement de garçons un peu frondeurs. Ensemble, nous écumions le quartier de Champel, à Genève, qui, avec ses maisons abandonnées, ses falaises, ses bois touffus et sa Tour, se prêtait bien au jeu.
Ensuite, vers dix ou onze ans, j’ai découvert Nathalie Henneberg et son magistral space-opera : « La Plaie ». Une lecture un peu coriace pour cet âge tendre, mais son écriture originale et son sens du merveilleux ont achevé d’enflammer mon imagination. Dès cet instant, ma voie était tracée : j’écrirai un jour à mon tour des romans de science-fiction !
Forte de cette révélation, j’ai dévoré tous les classiques anglo-saxons du genre, dont une bonne partie peuplait la bibliothèque de mon père : Asimov, Clarke, Simak, Vance, Anderson, Dick, Priest, Silverberg, Hamilton, Bradbury...
Pour en revenir au présent, ou au futur proche, dirons-nous : quelle serait la première phrase de mon prochain roman ? L’Univers n’est pas ce que nous croyons... Non, je rigole... à peine ! Je n’en ai aucune idée. Je viens juste de publier «Origines», le dernier tome de ma trilogie «QuanTika», aux éditions l’Atalante. Alors, je savoure encore cette récente parution.
Avec «QuanTika», qui raconte la découverte d’une exoplanète, comprenez une planète située hors de notre système solaire, et d’une ancienne civilisation stellaire ayant jadis visité notre Galaxie, j’ai pu explorer à loisir mon sens du merveilleux et traiter les sujets que me tiennent à coeur depuis l’adolescence, à savoir le rapport de l’humain face à la science et aux mythes cosmogoniques. En clair, parler de l’Univers qui nous entoure et de ses multiples représentations. «QuanTika» est une translation, passant des vérités scientifiques aux solutions apportées par le mythe. C’est un mouvement de va-et-vient, fait d’interrogations, de doutes et de surprises, qui conduit le lecteur de «Vestiges» à «Origines», le dernier tome de la trilogie.
C’est cet ultime volet que je me propose de vous présenter au Livre sur Les Quais cette année. Bien sûr, vous pourrez également découvrir «Vestiges», paru en 2012, et «L’Ouvreur des Chemins», paru fin 2013. Je me ferai un plaisir de vous parler de Gemma, planète extrasolaire glacée orbitant autour de son étoile double AltaMira, des mystères de la physique quantique et des nombreux personnages qui peuplent l’univers de «QuanTika».

Laurence Suhner

Avant l’ouverture de la manifestation en fin de semaine, découvrez aujourd’hui l’avant-dernière publication sur notre blog des auteurs!

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Et tout cela, c’est ma mère qui le porte !

Il y a bien des années, j’avais assisté à un spectacle de théâtre d’un groupe de jeunes du Nord Vaudois. Une fille était montée sur un tabouret pour déclamer sa tirade énumérant tout ce que sa famille mangeait au cours d’une année et ce que cela représentait en kilos, en tonnes. Une immense liste des courses, que concluait cette déclaration : « Et tout cela, c’est ma mère qui le porte ! »
Est-ce qu’un jour on écrit forcément sur sa mère ?
J’ai détesté L’Étranger de Camus. Mais sa première phrase me trotte souvent en tête : « Aujourd’hui Maman est morte ». Et comme en écho, la chanson de Sheller, « Maman est folle / On n’y peut rien / Mais ce qui nous console / C’est qu’elle nous aime bien ». La folie, le désespoir, l’amour et la mort, comme Delphine de Vigan les a scrutés dans Rien ne s’oppose à la nuit, à la recherche de l’identité de sa mère. La voix de Bashung, « ... usez l’usurier », et mes heures avec Dostoïevski à l’arrière d’une jeep sur les routes de Finlande, « Et que ne durent que les moments doux... ».
Les livres m’ont d’abord donné envie de vivre, et la vie s’est chargée de me donner l’envie d’écrire. Génie la Folle d’Inès Cagnatti, la Phèdre de Racine, Le Bonheur des Tristes de Luc Dietrich ou Le Sud d’Yves Berger, tous découverts sur les bancs du gymnase. Des livres où l’âme humaine est mise à nue avec ses douleurs et ses espoirs, ces livres qui frappent de plein fouet, en plein visage, comme le vent et le grésil, comme un soleil trop fort. Des livres peuplés de femmes, de mères, et d’enfants qui appellent. Toutes ces mains tendues.
Dans mes propres livres aussi. Des mains qui palpent la vie. Des mains colorée au gré des saisons, des cueillettes, des travaux ménagers, celles d’une mère vues par les yeux d’une fillette dans La petite bête. Des mains ridées où l’on peut lire l’histoire d’une vie comme on déplie un foulard de soie ; dans S’en remettre au vent, ce sont celles de ma grand-mère, leurs veinules bleues que je suivais du bout du doigt. Des mains encore dans l’un de mes plus anciens souvenirs d’enfance qui me fait revoir ma mère penchée sur la baignoire, occupée à laver du ligne en le frottant sur une planche. À genoux sur les catelles de la salle de bains d’un petit appartement de la banlieue lausannoise, pas à un lavoir de village. Et cet autre souvenir où elle dépose une lavette froide sur mon front fiévreux. Aujourd’hui les mains de ma mère sont déformées par l’arthrose et ne peuvent plus danser sur un piano, tenir un pinceau ou un sécateur.
« Et tout cela, c’est ma mère qui le porte ! » Ce pourrait être la dernière phrase d’un prochain livre qui dirait tout ce qu’une mère touche, caresse, essuie, lave, frappe, déchire, coupe, façonne, répare, tire, porte, porte en elle, porte à bout de bras, une mère, la mienne ou une autre, d’ici ou d’ailleurs.
Ou faut-il se taire, un doigt sur les lèvres ?

Laure Chappuis

Le programme du festival est maintenant disponible sur notre site! Découvrez-le au plus vite!

Plus que trois textes pour notre blog des auteurs avant l’ouverture de la manifestation! Aujourd’hui, Coline de Senarclens nous parle de la difficulté à se mesurer aux grands noms de la littérature…

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Quand je serai grande, je serai auteure

Enfoiré de Camus, salopard de Buzzati, stronzo di Sciascia, empafé de Maupassant, foutue Despentes, charogne de Woolf… Ils et elles ont fait murir les idées et les ont exprimées. Elles et ils ont fait semblant d’écrire des histoires pour métaboliser des concepts. Ces génies ont défini, formalisé, immortalisé l’amour, la colère, la joie, la tristesse, la peur, la misère, la solitude, en dehors des conventions, précisément, avec intelligence. Ils et elles ont parlé, et leurs mots font le monde. En faisant rire et chialer, c’est l’humanité qui s’est écrite sous leur plume.

Envie d’écrire, oui, mais pour dire quoi ? Que dire après elles et eux ? Qu’est ce qu’il reste à dire, et comment le dire bien, ensuite ? Il n’y a rien avant et rien après un roman immortel comme la Chute, Il Giorno della Civetta, Les Versets Sataniques… En dehors de l’Aleph, de Cabot Caboche, delle Aventure di Pinocchio, que peut-on encore espérer apporter? Auteure débutante après ces montres, quel orgueil de même y songer. Et pourtant, j’ai une soiffe inaliénable de faire partie de leur équipe, et une angoisse de peut-être, surement, ne pas y parvenir. Alors, me donne-t-elles envie d’écrire ou me figent-ils dans l’immobilité ? Je ne peux pas y répondre encore, je suis trop petite. Je n’ai pas encore trouvé le courage d’essayer vraiment.

Quand je serai grande, je serai auteure, parce qu’entre temps, j’aurais beaucoup appris sur l’amour, la colère, la joie, la tristesse, la peur, la misère, la solitude. J’inventerai une histoire, mais j’ai pas encore trouvé l’idée. Et on s’en fout parce qu’en réalité c’est pour parler d’autre chose, c’est juste une excuse. L’Etranger ne parle pas de Meursault et Voyage au Bout de la Nuit ne parle pas d’Amérique. Ce sont juste des prétextes pour inventer le monde, ou pour le réinventer, au stade où on en est. Et c’est très fort, de parler d’un truc pour parler d’autre chose. De raconter l’histoire d’un village pour parler de l’infini, ou de dessiner une grosse femme alcoolique pour présenter une époque. Il faut une bonne dose d’abstraction, une grosse marge de liberté pour oser écrire une fiction. Il faut être connectée, ouverte, proche de soi et des autres. Et il faut de l’orgueil, croire que ce qu’on a à dire vaut la peine d’être partagé et qu’on a assez de talent pour le transmettre. Il faut oser se foutre à poil sur le papier, en attendant les coups, parce qu’ils pleuvront.

De toute manière on a pas le choix, écrire de la merde ou écrire quelque chose de bon, il faut écrire, ça c’est une nécessité.

Coline de Senarclens

Aujourd’hui sur notre blog des auteurs, Germano Zullo nous confie ses premières expériences littéraires!

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Pour essayer de répondre à votre question

La mémoire n’est plus très sûre, elle a fait son travail, mélangé, recomposé, réinterprété… Tintin au Congo… Ma première encyclopédie… Tex contro tutti… L’Énigme de l’Atlantide… La Cuisine du marché… Je ne sais plus très bien, à force de me souvenir, à force de redire, à forcer de mythifier mon propre parcours, lequel de ces titres fut vraiment le premier à m’habiter.
Longtemps, j’ai cité Tintin au Congo, parce qu’il m’avait été offert par l’une des dames chez qui ma mère faisait des ménages, parce que je ne savais pas encore lire et que le décryptage de cette succession d’images me procura le plus vif des plaisirs.
Je fis beaucoup l’éloge de Ma première encyclopédie, parce que volé dans la bibliothèque de l’enfant de l’une des dames chez qui ma mère faisait des ménages, parce que surtout je conversais avec ce livre mieux que je n’aurais été capable de le faire avec nul autre et que cela reste encore valable aujourd’hui.
Tex contro tutti, parce qu’acheté pour moi par mon père en gare de Roma Termini un jour de grève, parce qu’il veille, depuis toujours semble-t-il, sur cette partie de moi profondément italienne et obscure à la fois, ce puits de mystère sans fond, merveilleux et terrifiant inconscient, que je ne parviens à restituer que par bribes insignifiantes et parce que ce fumetto fut très prompt à m’introduire auprès d’autres séries bien plus passionnantes encore, comme seule l’Italie des années de plomb savait produire et où le fantastique se mêlait subtilement à l’érotisme, produisant de considérables éruptions de l’imaginaire.
L’Énigme de l’Atlantide, parce qu’ardemment désiré dès qu’aperçu au rayon livres de la Migros et parce qu’il fut, je pense, un véritable outil d’écriture. Mon outil. Avec lequel j’ai commencé à réfléchir à la manière de déposer des mots destinés à faire sens sur une feuille. Et mes premiers mots furent des dessins.
Ces derniers temps, je mentionne beaucoup La Cuisine du marché, parce que découvert dans le grenier d’une maison dans laquelle ma mère faisait des ménages et parce qu’en société, c’est probablement cette obsession de la nourriture que je veux d’abord faire transparaître de ma personne et cela dans l’intention probable de dissimuler tout le reste.
Je ne crois pas cependant que l’un ou l’autre de ces livres m’ait donné l’envie d’écrire. J’ai mis longtemps à le comprendre, mais jamais je n’ai eu l’envie d’écrire. C’est en réalité bien autre chose qui se passe en moi et ceci pourrait tout à fait constituer le début de quelque chose et pas forcément d’un roman.

Germano Zullo