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Stefan Hertmans

Années de présence

2021 2025
Francophone Programmation internationale
Stefan Hertmans © Keke Keukelaar
Photo © Keke Keukelaar

Stefan Hertmans est né en 1951 à Gand (Belgique), où il a étudié la philologie germanique, terme qui, en Belgique, recouvre des études de langue et littérature néerlandaises, anglaises et allemandes. Il a étudié parallèlement la philosophie et soutenu une thèse sur le théâtre de Hölderlin. Il a enseigné la théorie de l’art à l’Académie royale des Beaux-Arts de Gand. Stefan Hertmans a commencé à écrire dès l’époque de ses études et développé depuis les années 1970 une œuvre considérable, embrassant à la fois poésie, théâtre, essai et roman. Si ses romans lui ont assuré une notoriété internationale – Guerre et térébenthine a été traduit en vingt-quatre langues et Le Cœur converti a été nommé en 2018 pour le prix Femina étranger –, c’est sans doute en tant que poète et essayiste qu’il est le plus apprécié des lecteurs flamands et néerlandais. En France ont paru en 2022 l’anthologie Sous un ciel d’airain. Poèmes 1975-2018 et le recueil d’essais Poétique du silence, tous deux aux éditions Gallimard. Stefan Hertmans vit aux environs de Bruxelles et passe ses étés dans le Vaucluse. Il se consacre depuis de longues années exclusivement à l’écriture.

Quel présent vivons-nous ? (Actes Sud)

Appartenant à la génération des “boomers”, Stefan Hetmans a vu beaucoup de ses idéaux disparaître ou changer radicalement de sens. Ce sont ces “déplacements” qu’il met ici en lumière, dégageant plusieurs paradoxes. Aujourd’hui, nous livrons spontanément, dit-il, notre vie la plus intime aux maîtres des réseaux sociaux, alors que les dictatures du XXe siècle avaient besoin d’une armée de policiers pour parvenir à un résultat beaucoup plus imparfait. Par une sorte de partie de saute-mouton idéologique, les valeurs de liberté et d’identité ont changé de camp : comme l’a montré la pandémie des années 2020-2021, les idéaux libertaires de naguère, confisqués par l’extrême-droite, ont servi à discréditer la parole scientifique. Au même moment, la gauche désinvestissait les valeurs universalistes pour se focaliser sur le vécu des groupes discriminés et, par le biais de l’essentialisme, s’appropriait un mode de pensée identitaire. S’agissant des migrations, l’écrivain substitue aux approches économiques, religieuses ou raciales une réflexion anthropologique sur les notions d’exil et d’hospitalité, aux origines de notre civilisation. L’hospitalité est la reconnaissance de l’homme en l’autre : comment les Européens d’aujourd’hui ont-ils perdu le sens d’une telle reconnaissance ?

Ces grandes questions (et quelques autres), Stefan Hertmans les traite dans une perspective philosophique et littéraire. Il s’appuie sur une tradition classique et sur des penseurs contemporains : de Benjamin à Sloterdijk, de Heidegger à Bruno Latour en passant par Derrida ou Agamben. Il réussit à “élever le débat” et à “détemporaliser” l’actualité en l’insérant dans la continuité de la culture occidentale. Stefan Hertmans ne se contente pas d’analyser. Sa vision de l’être humain est résolument universaliste, celle de la société, intellectuellement libérale et socialement protectrice et inclusive – autant de positions menacées aujourd’hui. Si le regard est critique et le ton parfois pessimiste, le livre se lit comme une courageuse exhortation à la lucidité et au dialogue, condition de toute action réparatrice.